Les « gondoles » du Parc LaFontaine (1 er volet)
Les embarcations et surtout les mémorables gondoles du Parc LaFontaine auront assurément rendu heureux et fait rêver des millions de passagers entre les années 1900 et 1970. Ce qu’on a appelé des gondoles n’avaient rien de comparable à celles de Venise mais au lieu de termes comme barge, péniche, chaland ou bêtement bateau, celui de gondole était nettement plus poétique. Rappelons que les étangs furent creusés par la ville dans le parc Logan fin XIXe siècle avant qu’il ne soit renommé LaFontaine en 1901. Un premier chalet fut aussitôt construit sans oublier le pont des amoureux qui séparait les deux étangs par une jolie chute.
La table était mise pour accueillir les Montréalais promeneurs, plaisanciers, pique-niqueurs et même automobilistes pour le prochain demi-siècle.

Cette première image remonte à 1909 alors qu’on se promenait en chaloupe (pointues aux deux extrémités), période où une première gondole fit son apparition.
Il s’agissait d’un frêle esquif glissant à fleur d’eau qui disposait de sièges au confort spartiate permettant d’accommoder une douzaine de passagers sous un toit en toile qu’on pouvait rouler selon la météo. Un moteur 2-temps Evinrude ( un cylindre, 1,5 force, le seul disponible à cette époque) propulse l’embarcation. Le tour se fait sur un demi-mille (900 mètres) et nécessite une bonne vingtaine de minutes. Un franc-bord minimal au point qu’elle pourrait être submergée par une vague ! Pour amoindrir le bruit, le put-put est logé dans le ventre d’un immense cygne blanc, là où naviguait le capitaine… en bretelles sous un parasol !
On ne remarque aucune mesure de sécurité : chaînes de retenue, bastingage, bouées de sauvetage, perche. L’insouciance des années folles, du canotier à la crinoline! Il en fût ainsi pendant une trentaine d’années. Signe des temps, l’anglais sur les photos : Boating and gondola riding in LaFontaine PARK, Montreal (Monne-tri-hall, sans accent). Le chemin de ceinture, avant les automobiles, servait aux calèches. Après la 1e Grande Guerre, on ajouta une seconde gondole, cette fois avec un moteur ELTO Evinrude 2 cylindres… de 3 forces!
L’après guerre
En 1944, le chalet rustique, tout en bois, passe au feu. Cependant le service nautique se poursuit avec environ 75 embarcations et deux gondoles de troisième génération, dites les « serpents ».
On remarque la forme ondulée du serpent sur le côté bâbord du bastingage de la gondole avec la gueule à l’avant. Le moteur hors-bord est dissimulé sous la «queue» arrière. Le toit est rigide, d’une simplicité élémentaire et foncé de surcroît. Sièges remplis, on remarque des personnes debout à l’arrière.
29 mai 1955 : on compte une douzaine de voitures en parade sur le chemin de garde, en plus des piétons qui circulent. Personne sur la pelouse en pique-nique et aucun banc ! Invraisemblable qu’on circule encore en voiture autour des étangs : entrée par Sherbrooke et sorties par Duluth ou Rachel ! Il faudra attendre l’ère Claude-Robillard pour y mettre fin et voir le parc devenir encore plus accueillant.
Les gondoles adoptent un nouveau style, rappelant les « steamboats » du Mississipi. L’une d’elles avait été baptisée « Père Marquette ». Cette nouvelle version voit une roue à aube arrière remplacer la queue de serpent, dissimulant vaguement un moteur plus puissant et donnant l’impression que l’embarcation est mue par ces pales. Le toit blanc arbore une fausse cabine de pilotage, des canots de sauvetage factice et une cheminée. Il y a un bastingage tout le tour sauf coté tribord. Des bouées ont été ajoutées. La promenade des voitures disparaîtra pendant que cette génération de gondoles multipliait les croisières. Cette nouvelle version voit une roue à aube arrière remplacer la queue de serpent, dissimulant vaguement un moteur plus puissant et donnant l’impression que l’embarcation est mue par ces pales. Le toit blanc arbore une fausse cabine de pilotage, des canots de sauvetage factice et une cheminée. Il y a un bastingage tout le tour sauf coté tribord. Des bouées ont été ajoutées. La promenade des voitures disparaîtra pendant que cette génération de gondoles multipliait les croisières.
Procession vénitienne de 1932
Ces dernières photos rappellent un défilé à la tombée du jour de 34 chaloupes allégoriques illuminées avec des figurantes devant 50 000 personnes pour la Fête de la Confédération (pas de la Saint-Jean!) avec jeux de lumières et feux d’artifices. Elles étaient commanditées et jugées.
Cette chaloupe allégorique représentait le Pont de Québec en cacahuètes(!). Elle était commanditée par : C. Clément Étalagiste et mérita le 7e prix. Son opérateur se sert d’un aviron. On remarque le parc de canots longs et larges avec des rames. On imagine le travail pour les vider après une forte pluie! Il en sera ainsi jusqu’au nouveau chalet en 1951.
Le meilleur reste à venir. Pendant toute cette période, le parc LaFontaine sera devenu un lieu de rendez-vous incontournable et les gondoles une de ses attractions des plus populaires. La prochaine étape sera de loin la plus glorieuse alors qu’un souffle de renouveau verra le parc être réaménagé sous la houlette d’un visionnaire, Claude Robillard. C’est ce que nous révèlera le second volet des gondoles du parc LaFontaine.
© SHP et Michel Poirier-Defoy, 2025
Crédits photos : archives de Montréal, Y. St-Jean, MPD
Collaboration : Gabriel DeschambaultCrédit photos : archives Canada et Montréal, BanQ
Note : si vous désirez poursuivre le voyage en vidéo. Deux films de l’ONF sont disponibles et gratuits : Au Parc Lafontaine de Pierre Pétel (6 minutes) et La mémoire des anges de Luc Bourdon (1h20)
CPA du parc LaFontaine – Le lac
Index des capsules de mémoire de Michèl Poirier-Defoy
Tout ça me rappelle mon enfance. J’allais patiner l’hiver avec mes partins (à tuyaux) à là seule patinoire du parc à lepoque. Elle était ronde et était située près de l’ancien Chalet où on allait se dégeler les pieds.
L’été j’allais nourrir les canards dans le lac avec là fameuse fontaine, qui était multicoloer le soir. Que de beaux souvenirs !
Je parles des années 50… ouf. Il y à si longtemps.
Merci de m’a voir fait reviver tout ça avec vos bons articles
Sur les photos, on voit presque personne assis ou marchant sur le gazon. C’est parce que le parc était truffé de pancartes : « Ne passez pas sur le gazon ». La police de Montréal faisait respecter cette ordre à coup de menace d’arrestation ou de coup de matraque.
En 1964-65, une bande de jeunes étudiants en vacances scolaires et de jeunes chômeurs se tenait au restaurant du Parc où il y avait un juckebox. Ils dansaient en lignes dans le restaurant sur des airs de Pétula Clark et des Beatles. C’était la « Bande à Charlot ». Ils furent l’objet d’un reportage dans le magasine Maclean de décembre 1965.
Ils s’asseyaient ou se couchaient sur la pelouse pour jaser, écouter de la musique sur des radios transistor, gratter la guitare ou faire du « necking ».
La police de Jean Drapeau (du poste 16) au coin de Rachel et Christophe-Colomb faisait des descentes au parc pour arrêter ces jeunes qui violaient un règlement municipal.
Ils arrivaient en paniers à salade et en auto-patrouilles, simultanément par la rue Duluth, la rue Rachel, à la hauteur de Brébeuf, et la rue Calixa-Lavallée, et ils arrêtaient ceux qui n’avaient pas eu le temps de détaler.
Une bonne fois, les jeunes se sont organisés. Un soir, à la brunante, ont attaqué le poste de police à coup de boules de billard. Les vitres du poste ont toutes été cassées. Les policiers se cachaient sous leur bureaux.
La police a compris et les arrestations se sont arrêtées.
Là où il y a de l’oppression, il y a de la résistance !
Bonjour monsieur Mathieu,
vous avez raison en ce qui concerne les pancartes «Ne passez pas sur le gazon», mais il y avait pire, les pancartes «Keep off the grass». Merci de rappeler le groupe étudiant contestataire, les «Gabriel Nadeau-Dubois» de l’époque. Si vous n’en faisiez pas partie, mon petit doigt me dit que vous les auriez rejoint volontiers.
Les années Drapeau malgré des réalisations exceptionnelles, ont aussi eu quelques poibts noirs.
Bien sûr, je faisais parti de la bande à Charlot et, à l’époque, j’étais membre des chevalier de l’Indépendance de Réginal Chartrand qui avait son école de boxe sur la rue Visitation. On a eu tôt fait de transformer cette bande d’ados en militants indépendantistes.
Plus tard, au Cegep du Vieux-Montréal, alors que j’était un jeune travailleur et étudiant du soir, j’ai, avec d’autres, fondé le Syndicat des Étudiants du Soir du CVM et on a participé à fonder l’ANEQ (Association Nationale des Étudiants du Québec), l’ancêtre des Carrés Rouges.
Un bel article pour cet endroit mytique et divertissant que le parc Lafontaine que j’ai connu principalement dans les années ’60 j’ai déjà hâte de découvrir le deuxième volet.
Formidable, et de magnifiques photos!
Merveilleux de voir ce lieu familier à travers les époques et d’en apprendre davantage sur les différents équipements de loisirs pour la population du Plateau, bravo pour l’article!
Je ne sais comment remercier Michèl Poirier-Defo,y l’auteur de cet article, pour nous avoir conté avec tant de détails la belle période où ces embarcations appelées « gondoles » 🙂 ont sillonné pendant quelques décennies le lac du parc LaFontaine.
Feu Richard Ouellet notre président fondateur de la SHP rêvait de les revoir revenir.