Les glacières
Une photo qui n’est pas exclusive au Plateau Mont-Royal mais qui est néanmoins typique d’une certaine époque et qui fait revivre une réalité de nos intérieurs du début du siècle dernier; celle des «glacières». Aujourd’hui, les glacières n’appartiennent plus qu’au monde du camping; mais «dans mon temps», cela faisait partie du quotidien. Quand on y pense, cela pourrait signifier que la vie de ce temps-là tenait presque du camping! Mais c’est une autre histoire.
Avant l’invention du réfrigérateur (aux alentours de 1913), nos cuisines comptaient plutôt sur les «glacières» pour garder au frais les aliments. Bien sûr, les habitudes domestiques n’étaient pas les mêmes qu’aujourd’hui, mais il fallait malgré tout conserver certains aliments fragiles, comme le lait ou les viandes et poissons. La glacière était un meuble, habituellement en bois, dont les parois étaient isolées et l’intérieur recouvert de métal (un peu à l’instar de nos frigos modernes) dans lequel on déposait un bloc de glace relativement massif (par exemple de 15 x 30 x 60cm) , qui pouvait prendre quelques jours à fondre et qui offrait pendant ce temps le refroidissement souhaité. L’eau de la fonte était récoltée dans un réceptacle qu’il fallait bien sûr vider régulièrement.
Dans mon souvenir, bien que d’une famille modeste, nous avions malgré tout encore une glacière au début des années 50 (ou était-ce un frigo d’appoint??). La glace était distribuée par des «marchands de glace», qui passaient par les ruelles avec des charrettes tirées par des chevaux et qui livraient les blocs «à la criée», ou selon les besoins exprimés par la ménagère sur une carte affichée au poteau de la galerie arrière où l’on demandait des blocs de 25 ou 50 sous (voir illustration ci-haut, de la carte d’une compagnie située rue Gascon; près de Frontenac et Ontario). Il est possible qu’il s’agisse aussi de blocs de 25 ou 50 lbs? Je devrai faire une vérification auprès de plus vieux que moi! Ces mêmes ruelles servaient aussi à la livraison du charbon ou au passage des vendeurs itinérants de fruits et légumes (…des légumes à vendre!) et des «guénilloux»; c’était surtout le lieu privilégié de la vie quotidienne, en même temps que le royaume des enfants du quartier. La rue était plutôt le théâtre officiel de «la vie publique» du voisinage.
Mais revenons à notre glace! Celle-ci, comme nous le montre la photo datée de 1884, était «récoltée» sur le fleuve Saint-Laurent pendant l’hiver (nous sommes ici à l’ouest du pont Victoria et l’on distingue également les clochers de l’église Notre-Dame, à gauche sur l’horizon). Des ouvriers sciaient de gros blocs, qui étaient ensuite chargés sur des «sleighs» et qui étaient acheminés vers les entrepôts (qui s’appelaient aussi des glacières). Ces entrepôts, disséminés aux quatres coins de la ville, étaient des bâtiments thermiquement bien isolés où la glace était empilée et recouverte de «bran de scie» pour bien la conserver. Elle était donc disponible tout au long de l’année.
Autre preuve du changement climatique; qui oserait encore aujourd’hui, s’aventurer sur le fleuve pour «tenter» de couper des blocs de glace d’un pied d’épaisseur?
J’en ai une à vendre :
Glacière Orient Express très bon état
Si intéressé micfrey@orange.fr
Nous en avions une au chalet de Fabreville autours de l’années 1955..