Postes d’essence et ateliers de réparation (volet 1)
Que ce soit sur le Plateau comme partout au Québec, la distribution d’essence et la réparation d’automobiles sont passées par différentes phases pendant le XXe siècle. Les véhicules à moteur thermique (essence, car il y a eu des tentatives de voitures à vapeur et électriques, avant le diesel) débarquent à partir de 1899 mais c’est en 1904 qu’on commence à les voir dans les rues de Montréal. De 48 véhicules en 1904, puis 489 en 1910, leur nombre passera à 12 700 (de très nombreuses marques) en 1920, puis à 77 830 en 1930 ! C’est ce qu’on appelle un boum économique et social. Dès lors, il faudra les « nourrir » en carburant et les entretenir.
On assiste alors à un développement assez chaotique, puisqu’il n’existe aucune règlementation. Du forgeron au charretier et aux patenteux téméraires, tout un chacun s’improvise pompiste ou mécanicien : on installe une ou deux pompes le long des rues et la moindre écurie devient un garage, quand on ne répare pas carrément dans la rue (ce qui sera rapidement défendu)! On comprendra qu’avant l’arrivée des ponts élévateurs qu’on préférait creuser un puits ou installer des rampes pour travailler sous les véhicules.
Signe des temps : deux charrettes d’éboueurs, en route vers l’ancien incinérateur, passent devant un atelier de réparation sur Saint-Grégoire. «General Auto Repair»!
Pour la distribution de l’essence, on constate l’apparition de nombreuses bannières qui rappelleront à toutes et tous de beaux souvenirs : on pense tout de go à Esso et Shell qui sont encore dans le décor mais regardons quelques-unes de ces enseignes du passé :
Avant le libre-service, c’est un pompiste qui devait servir le carburant.
Fonctionnement de la pompe :
A – Soulever le bec verseur
B – Soulever le levier qui sert d’interrupteur et active le moteur-pompe
C – Tourner la manivelle pour remettre les compteurs à zéro
D – La bulle avec papillon doit toujours demeurer pleine d’essence
- Le pompiste devait aussi savoir où se situait le goulot de remplissage (dans une aile, derrière la plaque, une trappe cachée, etc.)
- Laver le pare-brise, vérifier l’huile et espérer un pourboire !
Certains sont visionnaires et prennent les devants avec des infrastructures impressionnantes. Parmi les professionnels de l’époque, le Garage Léonard, sur Saint-Laurent, offrait dès 1922 tous les services sur 4 étages. Essence, huile, accessoires, carrosserie, même des automobiles Durant Star… et tout en français. Le garage FINA, une relique des premières années. Le garage Leblanc sur la rue Rachel, offrait encore en 1964 toutes les réparations et même un lave-auto. Des conduits pivotants permettaient d’avancer le boyau du bec verseur jusque dans la rue !
La station-service
Après le second Grand Conflit, la voiture s’est approprié toutes les rues aux dépens du cheval, du piéton, du cycliste et surtout du tramway, son ennemi juré qui disparaîtra en 1959. Les rues secondaires souffrent de la circulation dans les deux sens qui nécessitent deux voies de stationnement et deux pour circuler : ce qui entraînera les sens uniques à partir de 1925.
Pour faciliter le ravitaillement en carburant et le service d’entretien, les pétrolières innovent avec le concept de la station-service. Un petit édifice invitant qu’on veut propre présentant généralement deux portes avec un plafond assez élevé pour soulever les voitures et une partie «office» pour accueillir le client et avoir des étalages d’huile ou de pneus.
Les distributeurs de pièces sont encore invisibles. Beaucoup d’ateliers se spécialisent à reconditionner des pièces : démarreurs, générateurs, radiateurs, moteurs, transmissions et différentiels. En plus des vidanges d’huile, un véhicule requiert deux mises au point par année!
Le Esso à ti-rouge.
Il en poussera des milliers mais voici l’exception qui confirme la règle. La station-service trois portes d’Armand Ferland, sur Mont-Royal entre Boyer et Mentana, avec son nom sur la marquise. La porte de gauche plus haute est pour les camions et devait avoir un puits. Les deux pompes à essence sur un bloc bétonné sont éclairées. Il y a des toilettes sur le côté du bloc accueil tout vitré. Un terrain hors norme. Les poteaux sont ceux qui supportent les fils électriques des tramways. On est en 1956 : sur l’annonce de Coca-Cola, le numéro de téléphone du restaurant CH (cherrier)-0193 passera à 7 chiffres l’année suivante
Les deux pompes à essence, une pour le régulier (jaune) et une pour le super (rouge) : le piédestal et la base en ciment étaient obligatoires parce qu’elles résistaient à l’essence. Un pompiste est toujours en service : il lave le pare-brise et vérifie l’huile (disponible sur un présentoir entre les pompes) pendant que le plein se fait puisqu’il y a une béquille qui bloque le bec verseur et s’arrête quand le plein est fait. Dans les années ’50, le litre se prend à 7 ou 9 cents (32-35¢ le gallon).
Circa 1956 : toujours chez Ferland, on compte 18 voitures (luxueuses) sur le terrain dans une certaine congestion. Deux pompistes en livrée. Il y a de la neige au sol mais l’Oldsmobile 52 à droite en avant a son toit abaissé ! ESSO Impériale est la marque la plus populaire, à preuve sa commandite de la Soirée du Hockey à chaque samedi soir.
D’autres stations-service qu’on retrouvera sur le Plateau : coin Papineau et Laurier ( B/A); coin Saint-Denis et Laurier (FINA ?); coin Saint-Hubert et Boucher (Texaco); rue Saint-Grégoire, coin de La Roche (National- j’y reviendrai); avenue du Parc coin Van Horne (Shell); Saint-Laurent coin Bernard (B/P ?); Saint-Viateur coin Saint-Urbain (Champlain); Saint-Hubert coin Duluth (Impériale) et bien d’autres que nos lecteurs sauront nous rappeler.
Ces stations-services se répandront en grand nombre sur le Plateau jusqu’aux années 70 lorsque deux chocs pétroliers viendront bouleverser la distribution de carburant et augmenter drastiquement les prix. Des normes environnementales très strictes viendront annoncer à long terme la disparition de ces postes d’essence tout comme le plomb dans le carburant; mais les arrivées d’essences nouvelles, du système métrique et d’un nouveau concept de distribution.
C’est ce que nous verrons lors du second volet.
© SHP et Michel Poirier-Defoy, 2025
Sources : collection Christian Paquin, Archives de Montréal, G. Deschambault,
Index des capsules de mémoire de Michel Poirier-Defoy
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