La binerie Mont-Royal (1938)
Fondé en 1938, ce petit snack-bar offre une cuisine traditionnelle qui fait sa renommée. Emblématique du quartier. La Binerie Mont-Royal sert de décor au roman « Le Matou » d’Yves Beauchemin, paru en 1981 et porté à l’écran quatre ans plus tard par Jean Beaudin. Le restaurant déménage sur la rue Saint-Denis en 2019 dans des locaux plus spacieux où l’on retrouve à l’intérieur l’enseigne d’origine.
L’autrice Caroline Dawson nous a confié une série de textes pour nous faire revivre cette époque.
Ses textes ont été calligraphiés sur l’asphalte de l’avenue du Mont-Royal par Romain Boz et resteront visibles pendant tout l’été 2023 sur l’avenue rendue piétonne.
Enthousiaste, elle me dit :
« Tu vas voir, c’est de la
bouffe maison! »
Un coup d’œil au menu
suffit, ce n’était
certainement pas
ce qu’on mangeait
dans ma maison.
Je venais d’une famille
chilienne; des fèves
au lard j’en avais juste
goûté au primaire, durant
une sortie scolaire à la
cabane à sucre.
Souvenir effrité.
Première bouchée, verdict :
c’est autre chose, mais ce
n’est pas si différent de chez
nous. Faut croire que toutes
les cultures ont leurs
propres bines.
On me bouscule, le tabouret
inoccupé à ma gauche
ne l’est plus. Les plus beaux
yeux du monde ont pris
place à mes côtés.
C’est tout petit, vingt-trois
places à peine.
Mais tout le monde le sait,
c’est à l’étroit que l’on fait
les plus belles rencontres.
© 2023, SHP Myriam Wojcik et Gabriel Deschambault,
© 2023, textes Caroline Dawson,
© 2023, photos Ange Pasquini,
© 2005, photos La Binerie,
© 2023, illustration : Marie Josée-Hudon
Pour en savoir plus
- par Ange Pasquini, Inauguration de la nouvelle Binerie, rue Saint-Denis
- Index, des 30 lieux de l’avenue du Mont-Royal
J’ai travaillé à la petite épicerie à côté de la Binerie. Je livrais des caisses de bière à m’éreinter dans des lupanars (je ne savais pas que s’en étaient) trop jeune et naïf.
L’esprit n’est plus la même quand tu changes d’emplacement. Peu importe les raisons, mais pour moi le lieu mythique ça reste Mont-Royal.
Rendons hommage à Caroline Dawson, née le 12 décembre 1979 à Viña del Mar, Chili, et décédée le 19 mai 2024 à Montréal. Autrice québécoise et sociologue, Caroline a marqué les esprits par son engagement social et politique.
En 1986, elle a immigré au Québec avec sa famille pour échapper au régime de Pinochet. Diplômée de l’Université de Montréal, son mémoire portait sur le rapport au travail de la génération numérique. Son premier roman, « Là où je me terre »(2020), a remporté plusieurs prix, dont le Prix littéraire des collégiens. Ses œuvres ultérieures, « Ce qui est tu » (2023) et « Partir de loin » (2024), ont exploré les thèmes de l’immigration et du déracinement.
Caroline a été une défenseuse passionnée des droits des plus démunis, se battant pour l’égalité des chances et la justice sociale. Elle a partagé ses réflexions sur les causes environnementales et économiques dans les médias. Sa lutte contre un ostéosarcome, annoncée en 2021, a montré son courage exemplaire.
Son héritage perdure à travers le prix Caroline Dawson, qui récompense les écrivains émergents issus de la diversité au Canada. Caroline Dawson reste une source d’inspiration pour tous ceux qui l’ont connue et ceux qui découvrent son œuvre.