Petits commerces de proximité d’un temps disparu
Cet article est une reprise d’un texte paru dans le dernier bulletin de la Société d’histoire du Plateau Mont-Royal, sur le thème du « Plateau gourmand«. Certains se rappellent qu’il y a cent ans, les montréalais se procuraient leurs victuailles dans les quelques grands marchés publics installés à différents endroits de la ville. Pour le Plateau, on parle bien sûr du marché Saint-Jean-Baptiste, angle Saint-Laurent et Rachel.
Ces vastes marchés s’installent au cœur des petites villes qui poussent en dehors des limites de Montréal et les habitants peuvent alors facilement s’y rendre à pieds. Mais que se passe-t’il quand la population augmente, que l’urbanisation s’éloigne de ces points de service? On voit apparaître, les petits commerces de coin de rue, qui offrent alors à leur clientèle, une proximité des services alimentaires.
Nous sommes encore loin du Loblaw’s ou de l’Intermarché! Le choix est encore assez limité. Mais les montréalais prennent lentement goût à mieux manger.
Mais comment les victuailles se rendent-elles sur la table de la cuisine? Tout d’abord, il faut dire que les éléments de base : le lait et le pain, sont généralement livrés à la porte par le laitier et le boulanger (accompagnés bien sûr de leurs fidèles adjoints à quatre pattes).
La viande, ainsi que les fruits légumes, sont l’apanage du petit épicier. Avant « l’invention » du supermarché, on retrouve ces petits commerces, souvent aux coins des rues, qui rejoignent chacun un certain nombre de ménages. La plupart du temps, il s’agit d’un commerce familial, ou l’on pourrait dire, en simplifiant un peu, que le mari est à la boucherie, l’épouse au service et à la caisse, et les enfants aux livraisons et à la manutention. Parfois, un ou deux bouchers s’ajoutent quand la clientèle est importante. Notre famille avait bien sûr son épicier attitré et je vais tenter de vous en décrire le local.
L’épicerie A. Ouellet
L’épicerie A. Ouellet, sise au 1034 est Avenue du Mont-Royal, se compose d’un espace dont les murs latéraux sont occupés par les tablettes de « cannages » et de produits secs (céréales, biscuits, pâtes et légumineuses sèches). Les conserves les plus populaires sont accessibles aux clientes et les autres doivent être descendues à l’aide d’une pince, au bout d’un long manche, manipulée par un commis. L’espace à gauche est occupé par la caisse et un frigo vitré; ou l’on voit les viandes (essentiellement du bœuf, du porc) et les charcuteries disponibles (ici, comprendre jambon cuit et « baloney »). Au fond, il y a le grand frigo, avec sa grosse porte de bois, ou sont entreposés les grandes pièces de viande. Le boucher est à côté, avec son bloc à découper et ses divers hachoirs.
Les fruits et légumes sont réduits à leur plus simple expression et exposés dans la vitrine et dans quelques présentoirs en avant, On voit des pommes de terre, des carottes, du chou, du navet, du céleri, des tomates et peut-être de la laitue « iceberg ». Les fruits se résument aux pommes, bananes, oranges et pamplemousses en saison. Évidemment, au fil des jours, des saisons et des trouvailles de l’épicier chez son fournisseur, on retrouve parfois des nouveautés pour varier le quotidien. À l’automne, avec les récoltes locales, le choix sera aussi plus grand et la fraîcheur meilleure, mais le choix ne se compare en rien avec celui d’aujourd’hui. Il ne faut surtout pas oublier la bière et le porter, denrées essentielles (pour contenter les maris) et pour arrondir les revenus de l’épicerie.
Typique de l’épicerie du coin, le livreur à bicyclette qui effectue un travail qui n’est pas de tout repos. J’en sais quelque chose, puisque j’ai aussi pratiqué ce un certain temps
Le commerce dont la vitrine affiche le produit Pearline était situé au 53, rue Rose de Lima à Saint-Henri.
Réf.: Lovell de l’époque / A. Paquette, épicier.