
En 1965, j’ai 23 ans et je déménage à Montréal. Ayant terminé mon bac en Beaux-arts à l’Université du Manitoba, je veux vivre comme artiste, en français, et le Québec est l’endroit tout choisi. Avec un budget réduit, j’habite quelque temps dans une maison de chambres sur Saint-Hubert coin Cherrier, avant d’arriver au Carré Saint-Louis où j’allais demeurer jusqu’en 1981, 15 années d’effervescence et de rencontres.
En 1971 je loue un « véritable atelier » au 3686 rue Laval (ancienne maison d’Émile Nelligan), alors une maison de chambres, au dernier étage, avec vue sur le Mont-Royal. L’architecture victorienne, colorée avec des formes souvent particulières voire un peu biscornues du Carré me fascine. C’est une période de collages, avec des images de magazines et revues que je découpe et organise, assise par terre sur un vieux linoléum parmi coupures et retailles. On y reconnait, dans un chamboulement hardi, pignons, tourelles, corniches et balcons un découpage parfois troublant des corps, amis et connaissances, dans l’animation et le tumulte de la vie urbaine. Une fois le petit croquis réussi, je reproduis exactement les couleurs à l’acrylique sur un tableau de grandes dimensions. Cet exercice de mélange de couleurs origine de mes années aux beaux-arts à l’Université du Manitoba. Mon professeur de peinture Ivan Eyre qui avait étudié et enseigné à l’University of North Dakota semblait privilégier l’art allemand. Son art était très sévère, le dessin très juste. Il nous parlait souvent des peintres allemands. Un exercice que nous devions faire m’avait bien impressionnée. Avec de la gouache, sur un petit carton, nous devions choisir un objet puis le représenter exactement comme on le voyait. J’avais choisi un œuf.
"Mon premier logement" maison aujourd'hui disparue coin Cherrier, Saint-Hubert,. Dessin encre de chine.
Pauline Morier dans son atelier, rue Laval, à Montréal, vers octobre 1967. Au mur derrière elle, on voit une affiche de style art nouveau, très « Sixties », dessinée par Bernard Mulaire et illustrant un poème de J.R. Léveillé.
"Carré Saint-Louis", première maquette pour le métro Sherbrooke, collage, 14 x 8 po, 1972
"Pierre Ryan"
Acrylique sur toile
23 x 17 po, 1974
Pierre Ryan, ami remarquable et figure marquante du Carré Saint-Louis. Il savait rallier les amis, était généreux de son temps et jamais à court d’idées. En 1974, il avait milité contre le droit de construire d’imposantes tours d’habitation sur le terrain entourant l’actuelle Place Gilles-Carle.
"Lorraine dans les feuilles d’automne au Carré Saint-Louis", acrylique sur toile, 45 x 40 po, 1972 collection privée, Wpg, MB
Lorraine, une amie d’enfance manitobaine, qui était ma colocataire rue Henri-Julien et étudiait alors en psychologie à l’Université de Montréal. La voilà traversant à grandes enjambées le Carré.
"Carré Saint-Louis", deuxième maquette pour le métro Sherbrooke, collage, 10 x 10 po, 1972
Maquettes présentées à Robert LaPalme alors premier directeur artistique du métro, qui favorisait l'art représentatif et didactique racontant l'histoire de Montréal. (Années 70)
"Rue Laval", acrylique sur toile, 54 x 34 po, 1970, coll. Société historique de Saint-Boniface
Les cils se font aller en liberté parmi les pignons, tourelles, corniches et balcons.
"Les amoureux de la rue Laval" acrylique sur toile, 22 x 18 po, 1965, coll. Centre du Patrimoine, Wpg, MB
"Carré Saint-Louis",
acrylique sur toile, 51 x 42 po, 1971
collection Louise Duguay,
Denis Lavoie, Wpg, MB
Architecture victorienne, vertiges de pignons, de tourelles et corniches…
"Solveig au Carré Saint-Louis en hiver,"
acrylique sur toile, 59 x 43 cm, 1973, coll. Solveig Christie
Solveig, amie d’enfance manitobaine en visite au Carré en hiver. Il neige.
"Le Mont-Royal en automne vu du 3686 rue Laval", acrylique sur toile,
114 x 114 cm, 1970, coll. Michel Lemieux
Que de beautés automnales vues de mon atelier rue Laval.
Ça bouge au Carré, dans les rues Prince-Arthur et Saint-Laurent où règne une ambiance survoltée alimentée par le disco et le pop art. Entourés de Portugais, d’Italiens et de Polonais nous fêtons l’effervescence culturelle et politique au rythme de L’Hostie d’Show de Charlebois, des chansons de Dufresne et Renée Claude.
Mon parcours artistique, de 1963 à 2011 a connu des tableaux colorés, ludiques, plus tard des toiles plus austères (c’est ma conviction profonde que les artistes sont aussi là pour déranger), pour revenir durant les années 2010-2011 (
corpus sur mon site web), à de petits portraits colorés et intimes.
Membre du premier centre d’artistes géré par et pour les artistes femmes, Powerhouse (3738 rue Saint-Dominique), je participe aux expositions de groupe O-h! Féminin! à la galerie Véhicule Art, Artfemme 75 à Powerhouse, Langage Plus à Alma, Québec et au Women’s Art Centre de Washington (D.C). Je suis fière d’avoir contribué, avec trois ex-membres de la galerie (aujourd’hui La Centrale), au dépôt des archives de Powerhouse aux Archives de l’Université Concordia, à Montréal. J’ai également conçu et animé pendant quelques années une émission hebdomadaire, La chronique des arts visuels, sur les ondes de Radio Centre-Ville dans l’édifice Cooper sur le boulevard Saint‑Laurent.
Voir
Images et arabesques, les tableaux des années 70.
Allo Pauline, ton parcours est intéressant, et tes toiles aussi!
Bravo chère belle artiste remplie de vie! Merci d’avoir partagé tes souvenirs du carré Saint-Louis et de la rue Prince-Arthur et de la rue Laval! Chez Nelligan !
Bien raconté Pauline.
Comme nous avons étés chanceux, jeunes Manitobains, de nous trouver au Carré à cette époque enchantée.
Vertigineux Carré Saint-Louis
Oui c’est un endroit mythique notre société d’histoire (SHP) va éditer pour l’été qui s’en vient un bulletin spécialement consacré à son histoire et aux personnages qui l’ont créé.
Merci de nous faire découvrir le carré Saint-Louis à travers les yeux d’une grande artiste.
Bonjour Monsieur Ascah,
Votre commentaire me fait grand plaisir!
Bonne journée
Combien de douceur dans le tableau de votre amie d’enfance Christie Solveig.
Quel splendide rappel de l’époque. C’est toujours un endroit magique.
Et tu y étais à une période très animée.
Merci pour cette belle description.
As-tu compté les arbres du carré?
Super! très fière de toi, beaux tableaux! xox
Bravo Pauline!
Nous savons maintenant ce que tu faisais Là dans le grand MONTREAL!
T’es ben fine mais je ne faisais pas que ÇA! Ha!
Félicitations Pauline. Quelles réalisations!
Des années enrichissantes et fructueuses au Carré Saint-Louis que j’ai fréquenté à l’époque. J’avais de la famille qui y habitait. Ce fut toujours un endroit fascinant. Il faudrait que tu nous fasses un jour une expo dans la salle de la résidence des Jardins Millen.
Je salue ton immense talent.
MERCI André – ton commentaire me touche beaucoup. J’aurais peut-être un petit quelque à présenter. On verra.
Pauline
Félicitations Pauline.
Tu fais revivre toute l’effervescence qui a tant marqué le carré Saint-Louis et ses alentours. Ils se sont bien endormis depuis.
Ah! quand on est jeune et fou.
Belle époque!
Très intéressant!