Scène de rue 4. En draisienne sur le toit
Dans laquelle on voit un quartier émerger par-dessus l’épaule de Roger.
Entre ciel et terre
Le commerce Charbonneau & Leduc est situé sur la rue Laurier à deux pas de l’appartement des Leduc. Oscar-Eugène, qui travaille possiblement avec son frère, reçoit la visite d’Agnès et des enfants. En tout cas, le petit Roger fait ce jour-là une escapade en draisienne. Ces photos démultipliées ont-elles été prises par Marie-Ange ? Elles sont cohérentes avec la tendance « enfants » de la collection de ma grand-mère.
Roger quitte la maison à bord de son bolide. Par la magie du récit, l’instant suivant, il se retrouve sur le toit d’un bâtiment à lancer des poignées de gravier. Comment résister à une pluie de grelots. Ah, si seulement il pouvait s’approcher du bord du toit, il arriverait à les envoyer tout en bas !
Mais sa tante – peut-être Lucienne – en a décidé autrement, elle le fait descendre de sa monture pour prendre la pose. Avec chapeau, sans chapeau, il fait trois petits tours, puis ils descendent du toit pour revenir à la maison.
Rien de bien palpitant dans les péripéties aériennes de Roger, sauf si on regarde par-dessus son épaule… Les agrandissements de l’arrière-plan nous font pénétrer dans le quartier : des immeubles de dos, d’autres de face, au loin, à travers les trouées, des rues qui se dessinent… Sommes-nous bien dans Laurier Est ? Probable, car en règle générale, on ne va pas bien loin sur une draisienne !
Le boom immobilier
Les cartes de Goad nous montrent le développement urbain du quadrilatère bordé par les rues Mentana, Saint-Grégoire, Papineau et Laurier, vers 1914. Les premières maisons du secteur remontent au début du XXe siècle, des duplex et triplex, de deux ou trois étages, regroupés sur quatre rues centrales.
Dans la partie ouest du quadrilatère se trouve l’ancienne carrière Limoges, d’abord utilisée comme lieu d’enfouissement, puis peu à peu transformée en parc, qui, à partir de 1925, devient le parc Sir-Wilfrid-Laurier. Au nord de Saint-Grégoire, le Canadien Pacifique a aménagé, dans la partie est, une cour ferroviaire qui sert à l’entreposage de wagons. Les rares bâtiments sur les rues Fabre et Marquette se trouvent à proximité de la rue Laurier. Le décor est posé. La construction des immeubles sur Fabre et Marquette s’intensifie à partir des années vingt. Sur les rues voisines, des lots vacants forment des trouées entre les immeubles.
Quel est ce quartier derrière Roger ?
Je cherche sur les photos des indices pour localiser les lieux… Une structure en bois posée sur le toit supporte le branchement électrique du bâtiment, peut-être le devant de l’immeuble ?
Derrière Roger, en contrebas des photos 2, 3, 4 et 5, des devantures, dont celle d’une maison victorienne à deux étages, avec tourelle et lucarnes, et celle d’un bâtiment plus imposant. Comme si cette partie du toit donnait sur une rue commerciale. Est-ce la rue Laurier ? Le quartier Laurier ?
Un autre point de vue
L’orientation des taches d’humidité sur la toiture renseigne quant à la position du ou de la photographe, qui a pivoté de quatre-vingt-dix degrés pour prendre les clichés 6, 7 et 8. À l’arrière-plan, le paysage urbain change du tout au tout : des plex de trois étages, groupés par bouquet de deux, trois ou quatre, séparés par des terrains vacants. Des artères secondaires en développement. Sur la photo 8, tout au fond, on aperçoit des maisons plus anciennes à deux étages.
L’échec !
Ces photos ont-elles été prises du toit de l’appartement des Leduc sur Laurier ? Du commerce de charbon de l’oncle Eucher sur la même rue (voir Scène de rue 2) ? Est-ce le toit de la nouvelle maison sur Fabre, où la famille s’apprête à déménager ? Malgré mes efforts, et la présence de nombreux indices architecturaux sur ces photos, je n’ai pas réussi à localiser le « toit du petit Roger ». Je ne désespère pas d’y arriver et je me dis que ça viendra peut-être même, de vous !
Dans la prochaine Scène de rue, on emprunte la rue Garnier pour se rendre à l’église (voir Scène de rue 5).
Table des matières- Références et sources
© SHP et Dominique Nantel Bergeron, 2022.
Je ne sais pas si aujourd’hui, même sous l’œil vigilant de la tante Lucienne, je laisserais mon gamin faire de la draisienne sur le toit.
Il est certain que j’interdirais les endroits et les jeux dangereux dont j’ai follement raffolé lorsque j’étais enfant !