Scène de rue 5. En route pour la grand messe
Où Roger voudrait bien explorer le quartier, mais il porte ses beaux habits du dimanche.
Le dimanche
Agnès se rend à l’église avec Gérard et Roger. Depuis la dernière séance photo à cette intersection (voir Scène de rue 3), la mauvaise herbe a poussé. Gérard suit docilement sa mère, mais Roger semble résolu à prendre la poudre d’escampette…
Agnès ramène Roger à l’ordre, pas question qu’il salisse ses beaux habits du dimanche. Le petit se débat, et se sauve en courant sur le terrain voisin. Sa mère le rattrape et, bien décidée à se faire obéir cette fois-ci, le prend fermement par la main. Elle ne le lâchera pas de sitôt. Elle l’entraîne dans son sillage vers la rue Garnier, tourne en direction sud.
Nouveau décor, nouveau prétexte pour une photo. Devant les jolies maisons aux balcons à colonnades, Agnès prend la pose avec ses garçons. Roger se tortille, regarde ailleurs, il cherche comment échapper à la poigne maternelle. Trop tard, le clocher de l’église Saint-Stanislas-de-Kostka pointe au bout de la rue, ils arrivent. Il devra endurer l’interminable supplice de la messe, « deus pater omnípotens dómine fili peccáta miserére… » Ah, misère ! Bien que tout de blanc vêtu, Roger traînera, plus tard derrière lui, la réputation du mouton noir de la famille.
Un autre terrain vacant
L’action sur les photos 1, 2 et 3 se déroule sur le coin sud-est des rues Fabre et Laurier. Dans le flou de l’arrière-plan, on reconnaît les immeubles et les publicités de bière et de cigarettes déjà vus sur des photos de la Scène de rue 3. La photo 4 nous donne à voir un nouveau pan de l’intersection, un terrain vague cette fois situé au sud-ouest. Au-dessus de la tête de Roger, le mur nord du 508 (l’actuel no 5078) Fabre existe toujours avec la même fenestration.
L’intersection des rues Fabre et Laurier. L’appartement des Leduc (flèche bleue). Le profil d’œil, près du centre du montage, indique l’orientation de la caméra. Les numéros de 1 à 4 correspondent à la position des sujets sur les photos ci-haut. Goad, 1920, vol. V, montage des pl. 300, 301, 302, 303. Photo 4 vers 1922 et photo du même mur en 2022.
Le clocher qui cache l’église
J’ai mis un temps à trouver où la photo 5 a été prise. Je reconnaissais le clocher de l’église de Saint-Stanislas, mais, convaincue que les maisons cossues sur la photo se trouvaient sur Saint-Joseph, je m’obstinais à arpenter les trottoirs du boulevard. Rien ne concordait… Les morceaux du casse-tête se sont mis en place quand je me suis (enfin!) décidée à changer de perspective. Le ou la photographe a fait comme moi, et dirigé son objectif vers le sud à partir du trottoir côté ouest sur Garnier. La comparaison des photos prises à cent ans d’intervalle parle d’elle-même. À l’exception de quelques colonnes manquantes, on reconnaît les balcons arrondis en enfilade. Construites entre 1920 et 1922, ces maisons neuves au temps d’Agnès portent les numéros civiques allant de 5016 à 5060.
Dans la prochaine Scène, la petite famille déménage sur la rue Fabre, au nord de Laurier (voir Scène de rue 6).
Table des matières- Références et sources
© SHP et Dominique Nantel Bergeron, 2022.
Je trouve fabuleux tout ce travail de Dominique Bergeron qui nous raconte ce secteur du petit Laurier. Elle fait en sorte de faire surgir des souvenirs chez les lecteurs du blog. Je fais ici un clin d’oeil à Robert Caron et à sa soeur Jocelyne qui nous ont partagé déjà (en privé) leurs souvenirs. Il ne reste qu’à broder un petit ourlet de texte tout autour, afin de donner vie à tous ces incroyables histoires vraies. Même chose pour François Gauthier qui semble prêt à nous communiquer ses souvenirs.
Allez, un bon mouvement, et vous aussi deviendrez écrivains du Plateau. Notre ami Ange Pasquini qui est responsable du blogue vous aidera à mettre tout ça en forme. Ange est français d’origine, mais il se nourrit des souvenirs et histoires du Plateau-Mont-Royal.
Il est prévu que les Scènes de Rues de Dominique Nantel-Bergeron prennent fin le 30 mars 2023.
Donc d’ici là affutez vos crayons pour que l’on rajoute ensuite vos propres histoires.:-)
PS je suis franco-québécois depuis 2005
Merci beaucoup c’est très intéressant,
Mes grands-parents maternels ont vécu plus de 40 ans (dans les année 1930 jusqu’à 1976) au 5132 de la rue Fabre,(adresse civique qui n’existe plus car la maison a été modifiée en cottage) mais je crois que c’est sur Chambord, en fait. Ils se sont mariés en 1920 à l’église Saint-Stanislas.
J’aurais aimé que ma mère puisse voir vos publications. Merci
Merci pour le partage et pour le très émouvant commentaire sur votre mère.
Vos grands-parents ont très certainement côtoyé Marie-Ange!
Pour avoir monté rapidement les images sur le blogue je n’avais pas remarqué les 3 fillettes en habits du dimanche au loin. Les deux premières attendent la troisième qui sort de chez elle et un peu plus loin on remarque encore 2 silhouettes de grandes personnes de dos, rejoignant certainement l’église Saint-Stanislas de Kotka pour la grand messe.
C’est incroyable combien on peut « faire parler les photos » quand elles sont analysées jusqu’au moindres détails.
Les vêtements de Roger et de Gérard, les robes blanches des petites filles, c’est ce qui m’a fait penser à la messe du dimanche!
Que de souvenirs!
J’ai connu plusieurs familles et copains d’école qui ont habité ces maisons de la rue Garnier (photo no 5). Elles avaient été construites au début des années 1920 par les frères Boileau. Ces maisons étaient grandioses; le premier étage était composé de 13 pièces. Un de leur proche parent était Damien Boileau qui avait été impliqué selon mes souvenirs dans la construction de l’Oratoire St-Joseph. Dans l’une de ces 4 maisons, une dame Goulet avait une classe de maternelle. L’école des Saints-Anges était leur voisine.
L’une d’entr’elles avait remporté un prix pour le soin qu’on y avait apporté. Et c’est nul autre que Gabriel Deschambault qui avait consacré un article sur ces maisons. De nos jours, un panneau d’interprétation est installé à l’avant de cette maison. Chaque maison avait une combinaison de 2 couleurs qui ornaient les balcons et les boiseries: rouge foncé et blanc, jaune beige et vert forêt, brun et beige et la dernière située tout à côté de la ruelle fut rénovée avec du fer forgé à une date indéterminée; donc aucun souvenir des couleurs. C’est le garage de cette dernière maison que mon père avait loué pour y entreposer sa voiture pour l’hiver. Ces maisons sont centenaires et pas une ride – ou à peine – Solidement bâties, elle se tiennent encore bien droites.
Ce que la photo ne montre pas, ce sont les gros érables qui ont été plantés et qui avec le temps ont bouffé les clôtures..! J’habitais la maison immédiatement au nord de ces majestueuses résidences.
Merci pour ces photos.
Bonjour Robert!
Etes-vous le frère de Jocelyne? Vous habitiez à côté de la famille Bourque?
J’habitais au 1414 Laurier!
Bonne journée!
Jocelyne est bien ma soeur,
D’ailleurs elle célèbre son anniversaire en ce 22 décembre. Près de 60 années ont passé depuis mon départ du Plateau Mont-Royal mais j’aime y retourner pour y respirer un air de nostalgie et y revivre d’heureux souvenirs.
Je me rappelle de vous France; vous étiez une copine de ma soeur Jocelyne qui est de 2 ans ma cadette. Vous avez probablement jouer aux poupées sur notre galerie. Nos galeries se faisaient face. Nos cordes à linge se côtoyaient à perte de vue jusqu’à la rue de Lanaudière.
Je tenterai de vous contacter en privé afin de partager d’autres souvenirs, dont notamment sur la famille Bourque et Denman et bien d’autres des rues Garnier et Laurier. Je possède un bon lot de photos de cette époque à vous montrer.
Salutations cordiales
Robert Caron du 5066 rue Garnier (tout à coté de ces 4 maisons)
Merci à tous(es) qui participent à cette partie d’histoire du plateau. Très intéressante.
Je suis la soeur de Robert Caron, Jocelyne. Je tiens à te féliciter personnellement.
Si une personne désirait communiquer avec moi pour échanger des souvenirs, cela me ferait plaisir
Formidable témoignage, merci!, et qui donne une nouvelle perspective à cette petite histoire.
Je ne me lasse jamais de ces histoires de familles qui évoquent leur participation à leur propre histoire et celle du Plateau-Mont-Royal ainsi que de cette église Saint-Stanislas-de-Kostka qui fait partie de mon histoire familiale autant paternelle que maternelle.
Merci beaucoup pour votre commentaire encourageant!
J’habite cette partie du Plateau depuis ma naissance. Je marche sur la rue Garnier et je passe devant ces maisons cossues tous les jours.
C’est fascinant de les voir à l’époque où elles étaient pratiquement neuves !!
Formidable témoignage, merci!
Bravo encore pour le travail formidable!
Il est bien tannant le petit Roger, mais ça ajoute de la vie dans le récit!
Merci.
Et vous ne connaissez pas encore son petit frère Paul-Émile !
Toutes mes félicitations à l’auteure pour son travail de recherche très minutieux de correspondances topographiques passées et présentes et je sais de quoi je parle pour monter avec elle les articles (les images font toutes partie de son apport).
Merci ! Un travail qui se rapproche plus de la passion à vrai dire.
Et bien merci pour votre passion!
C’est vraiment le fun de voir les perspectives visuelles que vous avez ajoutées à ces photos et à cette tranche de vie bien illustrée ici. Ça m’inspire pour éventuellement partager sur ce site quelques faits liés à une partie de ma propre famille. Mes grands-parents maternels, Ange-Édouard Marcotte et Marie-Ange Collette, se sont mariés à l’église Saint-Stanislas-De-Kostka le 16 novembre 1926. Reste à trouver du matériel (photos, articles ou mémoires) et surtout toute la patience requise pour rendre le tout de façon intéressante, comme vous l’avez très bien fait.
Au plaisir de vous lire à nouveau.
À mon tour, je vous remercie infiniment pour votre commentaire. Ce n’est pas toujours facile de trouver le « bon » ton. Personnellement, j’écris et réécris sans cesse et, une fois terminé, je reviens sur mon texte. Le bonheur, c’est de rencontrer un lecteur.
Au plaisir de vous lire, alors.