Scène de rue 10. Les Bergeron sur Fabre
Dans laquelle Marie-Ange dit oui à Louis et donne naissance
à Maurice un peu avant terme.
Marie-Ange et Louis
Marie-Ange a-t-elle cédé aux avances du beau Louis avant l’heure bénie par le curé ? Quoiqu’il en soit, peu après leurs retrouvailles, mes grands-parents décident de se marier sans tarder. La cérémonie a lieu à l’église Saint-Stanislas-de-Kostka, le 3 juin 1925. Les nouveaux époux se trouvent un logement sur la rue Fabre, à quatre minutes à pied de chez Agnès et Oscar-Eugène Leduc.
Ci-contre : Marie-Ange Leduc et Louis Bergeron, lieu indéterminé, vers 1924.
Clin d’œil du destin, une photo de la valise de Marie-Ange, prise dans un tout autre contexte (voir Scène de rue 3), donne à voir la façade du triplex où s’installent les Bergeron. Pour accéder à l’appartement, il faut monter un escalier extérieur en coude, puis, du palier, prendre un escalier intérieur jusqu’au troisième étage. C’est en haut à gauche.
À la sortie des classes
Depuis que les garçons sont retournés en classe, Agnès a plus de temps pour sa fille, et pour les promenades entre belles-sœurs. Ce jour-là, la petite a revêtu son joli tricot blanc de bonhomme de neige, aussi restent-elles à bonne distance du commerce de Bois-Charbon, Wood-Coal de l’oncle Eucher.
Madeleine prend la pose et sourit à la caméra sans remarquer le groupe d’écoliers qui arrivent derrière elle avec leurs cartables. Gérard et Roger se précipitent en courant, et bouh ! La petite fait le saut, ça marche à tous coups, ses frères se tordent de rire.
En rafale
En février, huit mois après le mariage, Marie-Ange devient mère. À partir de là, l’appareil photo se détourne des petits Leduc pour mitrailler le nouveau bébé. Maurice sur sa balançoire, clic !, dans sa chaise haute, clic !, et clic encore quand Louis, au retour du travail, câline son fils.
Une rafale de photos qui étonne pour l’époque où, contrairement à aujourd’hui, le développement de chaque négatif valait son pesant d’or. Probable que Louis, qui travaille toujours chez Leduc & Leduc, a un accès privilégié au rayon photo de la pharmacie, comme Marie-Ange autrefois.
Ci-contre : Enveloppe du rayon de la photographie Leduc & Leduc, au nom de « L. Bergeron », date indéterminée.
Madeleine et son cousin
Marie-Ange apprécie les visites de Madeleine, sa nièce fait des merveilles avec Maurice. La petite y trouve aussi son compte. Chez sa tante, elle échappe aux incessantes taquineries de ses frères et, pour une fois, on la traite comme une grande. Sa tante n’hésite pas à lui confier la garde du bébé, sur le trottoir rue Laurier, le temps d’un achat. Elles vont parfois jusqu’au parc Lafontaine en tramway pour voir les canards, des petites expéditions dont la petite raffole.
Au retour, pendant que sa tante monte les courses, c’est elle qui garde l’œil sur Maurice. Ils doivent rester sagement assis sur le banc du palier du deuxième. Au-dessus de leurs têtes, les balcons ouvragés des maisons voisines.
Au lac Millette chez les Gobeille
L’été venu, comme le veut la tradition Leduc, la fratrie se réunit au chalet d’Anita au lac Millette. En vedette cette année, Maurice, le nouveau venu. Ma grand-mère a fait développer, en plusieurs exemplaires, une photo sur laquelle on la voit en compagnie de son fils chéri et de sa nièce Madeleine. Assises dans l’herbe, la fillette et la jeune mère couvent le bébé d’un même regard débordant de tendresse.
À contrecœur, Madeleine doit quitter Maurice pour rejoindre ses frères, Paul-Émile, Roger et Gérard, le temps d’une photo. Ils se mettent en rang comme à la revue. Gérard porte désormais la chemise et la cravate, fini pour lui le costume de matelot, il a enfin touché terre. L’oncle Eucher vient d’arriver, son fils, Jacques, se tortille dans ses bras. Le petit est intrigué par ses grands cousins, mais trop intimidé pour aller au-devant d’eux.
L’instant d’après, les rangs sont rompus, la chasse aux grenouilles est ouverte ! Les enfants courent dans tous les sens à la recherche de seaux et de filets. Jacques ne résiste pas longtemps à l’appel tentateur et abandonne bientôt son père pour participer à la cohue générale.
Dans le prochain chapitre, le nouveau petit roi tombe du balcon (voir Scène de rue 11).
Table des matières- Références et sources
© SHP et Dominique Nantel Bergeron, 2023.
Quelles belles chroniques et touchants souvenirs de famille qui nous font voyager dans le temps, on se sent proche et loin à la fois! Bravo tant pour l’écrit que les visuels! Merci
Beaux souvenirx!
Étant né sur Marquette entre Mont-Royal et Gilford, mes études ont été aux Saints-Anges et mes parents se sont mariées à l’église Saint-Stanislas.
J’ai moi-même été chantre et enfant de chœur à cette église. Mon père y était marguillier et il était engagé dans l’Amicale Saint-Stanislas.
Il y a lieu de dire que vous connaissez le quartier par cœur!
Y a-t-il quelqu’un qui a des photos de la rue Christophe-Colomb près de Mont-Royal?
De mon côté, je n’ai pas de photos de ce coin de rue, dommage!
Mes parents aussi se sont mariés à l’église Saint-Stanislas-de-Kostka pendant la deuxième guerre mondiale, avant que mon père ne parte pour l’Angleterre où il s’occupait d’une station de radar. Comme il était protestant à ce moment, le mariage a dû être célébré dans une chapelle du sous-sol! Le célébrant était Mgr Piette, le curé à l’époque. Une salle de l’église porte son nom aujourd’hui. Les sœurs du Bon-Conseil ont pu s’installer dans la paroisse grâce à sa collaboration.
Les trésors des sous-sols d’église. Merci beaucoup pour ce partage !
Ce que j’aime se sont les détails qui accompagnent les photos et l’identification aussi. J’ai moi-même de vieilles photos du 20ième et 19ième siècle qui se rapportent à la famille que je ne peux pas identifier ou en partie faute de renseignements.
Parfois l’identification de photos anciennes paraît impossible. Quand cela survient, à force de les regarder sous tous les angles, quelle sensation grisante!
…Une rafale de photos qui étonne pour l’époque…
Je reste étonnée de leur qualité de conservation aussi. C’est une chance que Dominique Nantel-Bergeron ait pu récupérer la malle de Marie-Ange sa grand-mère.
En effet, j’étais la première estomaquée par cette découverte !