La ruelle de Garages,
La ruelle des Garages est la ruelle des jeux et des souvenirs de mon enfance. Située au sud de la rue Rachel, entre les rues Papineau et Cartier, on y accédait par la rue Papineau, au nord de la rue Gauthier. Un garage et des maisons sur la rue Rachel bloquaient l’extrémité nord.
Une excroissance vers la droite, comme un transept d’église, se butait à une clôture de bois laissant un tout petit espace près du poteau de téléphone pour accéder à la rue Cartier. Une seconde partie, à gauche, décrivait un L derrière les édifices de la rue Papineau. Un autre garage au fond du L bloquait l’accès à la rue Rachel. Tout le long de la ruelle alternaient garages et cours arrière où valsaient une multitude de cordes à linge.
Nous nous retrouvions après l’école et les fins de semaine pour jouer et partager nos bons coups ou nos frustrations. Nous jouions aux billes, au ballon volant, au baseball, à la marelle, à la corde à danser, au yoyo, à la cachette, au téléphone arabe. Le mur briqueté d’un appartement de la rue Papineau offrait une surface idéale pour la balle au mur jusqu’à ce que la locataire du 2e, dérangée par le rebondissement répétitif de la balle, sorte sur son balcon pour nous dire d’aller jouer plus loin. En été, on roulait à bicyclette ou en patins. En hiver, on jouait au hockey.
Branch et Branch était notre jeu préféré. Un jeu de stratégie et d’imagination. Une équipe devait découvrir à partir d’un plan dessiné où se cachaient les membres de l’équipe adverse alors qu’un des leurs, resté sur place, criait des mots codés (inspirés le plus souvent de l’univers des fruits et légumes) signalant l’approche ou l’éloignement des membres de l’équipe chercheuse. Le but du jeu était de profiter de l’égarement de l’ennemi pour sortir de la cachette et aller détruire le plan resté sur place, au départ. Pas toujours facile !
Notre ruelle, laissait également place aux arts. À la tombée de la nuit, un drap tendu servait occasionnellement d’écran à une projection de films d’animation à partir d’un appareil 8mm. Il va sans dire que Walt Disney était à l’honneur ! Parfois, le ciment de la ruelle se couvrait de dessins à la craie. Un jour, Marcel Dubé, le dramaturge alors adolescent qui demeurait sur la rue Cartier, s’est emmené avec l’idée d’une pièce de théâtre à monter. Marcel était-il accompagné de son frère Yves ? … La pièce, au-dire de Marielle Fleury, était inspirée de la fameuse palissade de bois que les jeunes franchissaient en sautant par-dessus. Marielle, devenue plus tard designer de mode, a rapidement pris la responsabilité des costumes et Claude Fortin, de celle des décors. Colette Blanchard, Jacques Saint-Pierre, Denise Demers, Louise Dussault et plusieurs autres ont apporté leur collaboration au montage. Monique Hébert, de la rue Papineau, s’est vue attribuer le rôle principal. Le jour de la représentation, Louise Fleury et ses amies ont pris en charge le kiosque de limonade. Un beau moment passé avec parents, voisins et amis venus assister à la pièce !
Que de beaux et bons souvenirs à jamais gravés dans ma mémoire ! La ruelle des garages n’a pas seulement servi d’hébergement à des véhicules motorisés, mais elle a vu naître et grandir des générations de jeunes qui ont construit et marqué l’histoire du Québec.
Qu’en est-il de sa vocation, aujourd’hui ?
© SHP et Louise Dazé, 2023.
Bravo, bravo pour cette publication! Vraiment intéressant!
Merci, Mme Nantel-Bergeron, pour votre appréciation.
Le passé contient des richesses infinies qui alimentent nos vies encore aujourd’hui. Il est rassurant pour moi de prendre conscience qu’elles puissent être partagées et trouver un écho chez d’autres personnes.
Bonjour Louise,
Ma mère, Denise Goyette a habité au 4246 Dorion avec ses 6 soeurs et ses 2 frères dans les années quarante et cinquante. Donc tout près de cette ruelle. Elle y a rencontré mon père, Réal Dugas, qui habitait rue Bordeaux.
Votre texte me donne une belle image de ce qu’à été l’enfance de mes parents.
Peut-être même les avez-vous connu? Ce serait tout un hasard.
Merci
Heureuse d’apprendre, M. Dugas, que nos parents étaient presque voisins. Personnellement, je ne me souviens pas d’eux. Mais j’en glisserai un mot à ma belle-soeur, Ghislaine Bernard qui a habité sur la rue Dorion.
Merci de votre commentaire.
Bonjour Louise,
Sur la photo des 5 jeunes complètement à gauche: je crois que c’est Valin (je ne me rappelle plus de son prénom, puis complètement à droite c’est toi Louise et à tes côtés, c’est moi; comme on s’est amusé dans cette ruelle, j’en conserve de très bons souvenirs.
Merci pour nous les rappeler.
Michèle Tessier
Michèle, les noms des personnes sur la photo sont de gauche à droite : Michel Valin, les deux soeurs St-Hilaire (Micheline et Huguette, mais je ne suis pas certaine des prénoms), toi, Michèle Tessier et moi, Louise Dazé. Oui, on s’est bien amusé dans cette ruelle !
Superbe texte qui nous reporte à ces années magiques.
BRAVO !
Mme Morier, merci de votre appréciation. Je suis heureuse d’avoir pu rappeler à votre souvenir de beaux moments de notre enfance.
Des souvenirs qui me rappellent nos jeux dans la ruelle entre la rue Marquette et Fabre, niveau Mont-Royal et Gilford. La pièce de Marcel Dubé dont vous faites allusion est “Le Temps des Lilas” avec Gilles Duceppe. Quand il a passé à la télé, mon frère jouait le rôle d’un jeune garçon sur la palissade!!
Heureuse que cet article vous ait rappelé de bons souvenirs.
Heureuse aussi d’apprendre que votre frère a joué un rôle dans la pièce “Le temps des Lilas” de Marcel Dubé. Il est juste de dire que la palissade est fortement inspirée de celle de la Ruelle des Garages qui bloquait l’accès à la rue Cartier. Mais je ne suis pas certaine que la pièce montée par Marcel Dubé dans la Ruelle des Garages est une première mouture de “Le temps des Lilas”. Ce serait à vérifier…
Merci de votre commentaire.
Bonjour Louise,
Je me permets de te tutoyer car je me sens proche de tout ça car durant les années 50, mes parents et la famille Tessier demeuraient juste au dessus de chez vous au 1826 Rachel. Six enfants et les trois garçons très tannants et aujourd’hui je me dis que cela ne devait pas être facile pour tes parents d’endurer tout ça. À l’occasion je jouais avec Louis ton frère dans la ruelle aux même jeux que tu as élaborés et ton père était notre médecin de famille qu’on aimait beaucoup. Il travaillait beaucoup et soignait aussi les comunautées religieuses.
Cette ruelle comme tu le mentionnes c’était notre terrain de jeu en plus du centre Immaculée Conception.
Merci de nous donner ces merveilleux souvenirs
Jac Tessier
Merci Jac de ton commentaire et du rappel de ces bons souvenirs. Je me souviens très bien de ta soeur Michèle. Je ne me souviens pas qu’il y ait eu beaucoup de brouhaha chez vous. Au pire, mon père a sans doute dû téléphoner à tes parents pour demander de cesser les jeux bruyants ou de baisser le son de la musique car il n’était pas capable d’ausculter un patient. Je me souviens qu’il est intervenu auprès de mon frère, Louis, quelques années plus tard, parce que ce dernier écoutait du Elvis Presley à fort volume, dans la pièce voisine (le bureau de mon père étant localisé dans la pièce avant de l’appartement que nous occupions, rue Rachel, juste au-dessous du tien). Le centre Immaculée-Conception, dont tu fais allusion, a joué un rôle très important dans le développement des jeunes du quartier.
Merci au Père Sablon, i.e. Marcel de La Sablonnière qui a fondé et animé ce centre !
Bonjour Madame Dazé,
Dans la dernière photo, la fille sur la droite porte uniforme qui ne semble plus endossé de nos jours.
Pouvez-vous nous en dire plus?
Merci
M. Pasquini, l’uniforme porté par la jeune fille, à droite de la photo, est celui des couventines du Couvent Mont-Royal, situé rue Mont-Royal entre les rues Cartier et Dorion. Le port du costume était obligatoire (même durant les journées chaudes de juin !). Le couvent a été démoli pour faire place à un parc et à un aréna. Je garde beaucoup de beaux et bons souvenirs de mes onze années passées à l’intérieur des murs du couvent. Et je profite de l’occasion pour remercier les Soeurs des Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie secondées par quelques laïcs pour la qualité de l’instruction et de l’éducation qu’elles m’ont données. Elles ont marqué ma vie de façon positive et significative.
En parcourant les pages du site de la SHP je n’ai pas retrouvé grand chose sur le couvent Saints-Noms-de-Jésus-et-de-Marie, sauf dans une chronique de Gabriel Deschambault.
Cette institution aujourd’hui disparue ne mériterait-elle pas un article sur notre blogue? 🙂
Tout à fait ! La copie d’un document intitulé “Pensionnat Mont-Royal (1898-1972)”, rédigé et publié par Marie Poulin de Courval (une consoeur), en 2016, a été déposé à la Société d’Histoire et de généalogie du Plateau Mont-Royal. Marie serait sans doute heureuse de publier un article sur votre blogue. J’ai fourni de l’information pour alimenter ce document. Je pourrais aussi faire ma part.
Effectivement si nous retrouvons bien ce document dans les tablettes du centre de documentation, lequel est consultable sur place.
J’aurais un immense plaisir, qui serait partager avec nos lecteurs, de publier un ou plusieurs articles de Marie Poulin de Courval de cette institution .