Jeux de filles sur le Plateau (suite) – Jeux en solo
Lorsque les amies n’étaient pas disponibles ou qu’il pleuvait à boire debout comme on disait, il fallait bien s’occuper en solo. Deux jeux m’aidaient à passer le temps et me rendaient plus compétitive lorsque je retrouvais mes compagnes: le bolo et le yoyo.
Le bolo consistait en une palette de bois au centre de laquelle était fixé un élastique attaché à une balle. En manœuvrant la palette, on pouvait lancer la balle en haut, en bas, de côté, par en avant ou la faire rebondir sur le sol. Toutes les combinaisons étaient possibles. Il fallait toujours avoir une réserve d’élastiques parce qu’ils brisaient souvent.
Le yoyo, plus petit, tenait dans la main. Il était formé de deux demi-cercles plats et arrondis, et reliés par un goujon de bois. Sur le goujon, on enroulait une cordelette se terminant par une loupe, dans laquelle on insérait le doigt. Avec divers mouvements du poignet, on permettait à l’instrument de descendre et surtout de remonter, difficile au début.
Mon passe-temps préféré demeurait le coloriage. Une tante plus fortunée m’avait offert une boîte de quarante-huit crayons Prismacolor. Je m’en souviens comme l’un des plus beaux cadeaux de mon enfance. Je n’avais qu’un seul cahier à colorier à la fois et je devais remplir toutes les pages (ou presque toutes) avant d’en avoir un autre. Alors pour éviter que les couleurs d’une page salissent la suivante, j’insérais un papier de soie entre les feuillets pour absorber le surplus de pigments. De mémoire, un cahier mince d’environ un demi-centimètre coûtait 10 cents et un plus épais, d’environ un centimètre et demi, se vendait 25 cents.
Je lisais peu pour plusieurs raisons. D’abord, mes parents n’avaient pas de temps à consacrer à cette activité, ils travaillaient trop et de plus, ils n’avaient pas les moyens d’acheter des livres. J’avais lu et relu les deux livres de contes de fées reçus en cadeau de même qu’un exemplaire des Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur. Cependant, je pouvais parcourir les Tintin de mon frère. À part les livres scolaires et les lectures obligatoires, les écoles ne disposaient pas de livres à prêter; pas de bibliothèques de quartier non plus.
La seule possibilité demeurait la Bibliothèque municipale à l’angle sud-est des rues Sherbrooke entre les rues Montcalm et Beaudry. J’habitais sur Papineau, au nord de Laurier, donc c’était loin. On ne me permettait pas de gaspiller un billet de tramway pour m’y rendre, il fallait marcher.
J’y suis allée quelquefois et j’étais intimidée. Ce décor grandiose, ce plafond si haut et ces centaines de petits tiroirs de bois foncés contenant des milliers de fiches sur lesquelles étaient inscrits le titre du livre, le nom de l’auteur et le numéro de l’ouvrage. C’était un peu étourdissant de fouiller là-dedans. Ensuite, je trouvais le courage de demander mes livres à la bibliothécaire, l’air souvent sévère. Toute cette culture et tout ce savoir m’impressionnaient tellement, inexistants dans mon milieu. Heureusement, je compris vite qu’ils étaient accessibles à tous pour peu qu’on s’y intéresse et depuis plus de cinquante ans, je lis tous les jours.
Une autre activité solitaire plus terre à terre m’occupait. À côté du quintuplex, à droite et en retrait, on découvrait la cour de l’usine de transformation de viande Supreme Packers, convertie en condos depuis plusieurs années. Assise sur le balcon arrière, j’observais les camions qui arrivaient près de la plateforme de débarquement. Un ouvrier en sarrau blanc déchargeait les carcasses, du porc probablement, et les accrochait sous un rail de métal qui les acheminait à l’intérieur. Plusieurs questions me venaient en tête. Comment tuait-on l’animal ? Comment enlevait-on la peau ? J’entendais qu’avec les poils on fabriquait des brosses ? ? ? De quoi devenir végétarienne, mais malgré tout, je suis restée carnivore.
Je ne pouvais apercevoir les produits finis sortir puisqu’ils étaient déposés dans les camions, les portes ouvertes, à l’abri des regards. Était-ce simplement des coupes de viande prêtes pour la vente au détail ou de la saucisse ou du bacon ? Je ne l’ai jamais su, les employés ne permettaient pas aux enfants de s’approcher.
Puis les amies et le beau temps revenaient et je pouvais retrouver mes jeux de filles sur le Plateau.
Le bolo consistait en une palette de bois au centre de laquelle était fixé un élastique attaché à une balle. En manœuvrant la palette, on pouvait lancer la balle en haut, en bas, de côté, par en avant ou la faire rebondir sur le sol. Toutes les combinaisons étaient possibles. Il fallait toujours avoir une réserve d’élastiques parce qu’ils brisaient souvent.
Le yoyo, plus petit, tenait dans la main. Il était formé de deux demi-cercles plats et arrondis, et reliés par un goujon de bois. Sur le goujon, on enroulait une cordelette se terminant par une loupe, dans laquelle on insérait le doigt. Avec divers mouvements du poignet, on permettait à l’instrument de descendre et surtout de remonter, difficile au début.
Mon passe-temps préféré demeurait le coloriage. Une tante plus fortunée m’avait offert une boîte de quarante-huit crayons Prismacolor. Je m’en souviens comme l’un des plus beaux cadeaux de mon enfance. Je n’avais qu’un seul cahier à colorier à la fois et je devais remplir toutes les pages (ou presque toutes) avant d’en avoir un autre. Alors pour éviter que les couleurs d’une page salissent la suivante, j’insérais un papier de soie entre les feuillets pour absorber le surplus de pigments. De mémoire, un cahier mince d’environ un demi-centimètre coûtait 10 cents et un plus épais, d’environ un centimètre et demi, se vendait 25 cents.
Je lisais peu pour plusieurs raisons. D’abord, mes parents n’avaient pas de temps à consacrer à cette activité, ils travaillaient trop et de plus, ils n’avaient pas les moyens d’acheter des livres. J’avais lu et relu les deux livres de contes de fées reçus en cadeau de même qu’un exemplaire des Malheurs de Sophie de la comtesse de Ségur. Cependant, je pouvais parcourir les Tintin de mon frère. À part les livres scolaires et les lectures obligatoires, les écoles ne disposaient pas de livres à prêter; pas de bibliothèques de quartier non plus.
La seule possibilité demeurait la Bibliothèque municipale à l’angle sud-est des rues Sherbrooke entre les rues Montcalm et Beaudry. J’habitais sur Papineau, au nord de Laurier, donc c’était loin. On ne me permettait pas de gaspiller un billet de tramway pour m’y rendre, il fallait marcher.
J’y suis allée quelquefois et j’étais intimidée. Ce décor grandiose, ce plafond si haut et ces centaines de petits tiroirs de bois foncés contenant des milliers de fiches sur lesquelles étaient inscrits le titre du livre, le nom de l’auteur et le numéro de l’ouvrage. C’était un peu étourdissant de fouiller là-dedans. Ensuite, je trouvais le courage de demander mes livres à la bibliothécaire, l’air souvent sévère. Toute cette culture et tout ce savoir m’impressionnaient tellement, inexistants dans mon milieu. Heureusement, je compris vite qu’ils étaient accessibles à tous pour peu qu’on s’y intéresse et depuis plus de cinquante ans, je lis tous les jours.
Une autre activité solitaire plus terre à terre m’occupait. À côté du quintuplex, à droite et en retrait, on découvrait la cour de l’usine de transformation de viande Supreme Packers, convertie en condos depuis plusieurs années. Assise sur le balcon arrière, j’observais les camions qui arrivaient près de la plateforme de débarquement. Un ouvrier en sarrau blanc déchargeait les carcasses, du porc probablement, et les accrochait sous un rail de métal qui les acheminait à l’intérieur. Plusieurs questions me venaient en tête. Comment tuait-on l’animal ? Comment enlevait-on la peau ? J’entendais qu’avec les poils on fabriquait des brosses ? ? ? De quoi devenir végétarienne, mais malgré tout, je suis restée carnivore.
Je ne pouvais apercevoir les produits finis sortir puisqu’ils étaient déposés dans les camions, les portes ouvertes, à l’abri des regards. Était-ce simplement des coupes de viande prêtes pour la vente au détail ou de la saucisse ou du bacon ? Je ne l’ai jamais su, les employés ne permettaient pas aux enfants de s’approcher.
Puis les amies et le beau temps revenaient et je pouvais retrouver mes jeux de filles sur le Plateau.
© SHP et Michèle Olivier, 2024
Photos Michèle Olivier
Illustrations Ange Pasquini
Index des capsules de mémoire de Michèle Olivier
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Superbe Michèle ! On en veut encore et encore.
Chanceuse, des Prismacolor… j’ai désiré qu’on en possède pendant des années… un très fort désir, mais chanceuse!!
Très intéressant! Que de souvenirs!
Demeurant rue Marie-Anne entre Marquette et Papineau, je n’étais pas loin du parc La Fontaine. Je le traversais en « patins à roulettes » pour aller à la bibliothèque municipale rue Wolfe où se trouvait la biblio des jeunes (au sous-sol de la bibliothèques municipale). Les patins à roulettes étaient mon moyen de transport usuel: Je laissais mes patins sous ma chaise et je passais de belle heures à lire et bouquiner.
Imaginez!: c’était possible de traverser la grande rue Sherbrooke comme si rien n’était!
J’aimais aussi, le ballon-chasseur. Je me hâtais de revenir dans la cour d’école (Marie-Immaculée), après mon diner à la maison, pour pouvoir jouer le plus longtemps possible à ce jeu que j’adorais! Ah! qu’on était bien à Montréal!
Je veux aussi souligner qu’a l’automne, il y avait les matinées symphoniques sous la direction de Wilfrid Pelletier qui nous initiait à la musique classique!
Époque de la grande noirceur? Pas tant que ça!!!
Puisqu’il semble qu’on préparait du porc et non du bœuf chez Suprême Packers, il serait approprié de changer d’image pour illustrer le texte.
Merci Robert c’est modifié.
Pour être précis…la bibliothèque est au coin de Montcalm et Sherbrooke.
Merci, c’est corrigé.
Merci pour la précision M. Perreault. Les souvenirs jouent des tours parfois.
Tu as raison! Merci pour la précision!
Bravo ma cousine,
La seconde où j’ai débuté la lecture du blogue Jeux de filles sur le Plateau ,je savais que c’était toi qui l’avais écrit.
De plus, en regardant la maison de grand maman, je suis retombée en enfance et j’ai revue toute notre jeunesse, les balcon arrières, l’usine de transformation, nos simples jeux dans ce quintuplex où logeaient plusieurs membres de la famille Frenette.
Je tiens à te féliciter pour ton talent de manier la plume et la façon dont tu nous rappelles ces beaux jours.
Merci cousine
Encore une fois bravo Maman, je me délecte de tes textes et aussi en apprendre plus sur ton enfance. J’ai aussi joué au bolo et yoyo, et aussi fait des tonnes de coloriage…
Merci de ce texte bien touchant, J’ai eu bien du plaisir à vous lire, et à me revoir dans ce temps-là… J’aurais bein aimé vous connaître à cette époque.
À ma connaissance Supreme Packers fumait des jambons.
Il y avait aussi la cie Packit que imprimait des sac pour le commerce.
J’y ai travaillé pendant les vacances d’été et après les classes.
Je demeurais sur la rue Marquette entre Saint Grégoire et Laurier.
Très beau et intéressant documentaire de Madame Olivier (comme toujours). J’étais aussi expert du YOYO; je pouvais le faire « dormir » et aussi le lancer vers l’avant, pour le faire revenir aussi vite dans ma main. Le YOYO permettait souvent de montrer notre dextérité à un public ébahi !