Mes souvenirs du Patro 1/6
Un peu à l’écart, dans ce drôle de carrefour que formaient les avenues Saint Dominique et Casgrain limité par la rue Bernard, à l’est de Saint-Laurent, se dressait un édifice qui ne payait pas de mine mais dont le cœur vibrait au rythme de la religion dans ce qu’elle a de plus noble : l’entraide. On y accueillait tous les ‘’Ti-culs’’ désœuvrés du quartier, de 6 à 18 ans. Animé par des frères, des prêtres, des laïcs et des Religieux de St-Vincent-de-Paul, on y prétendait, souvent avec raison, sauver les âmes par le sport. Tous les programmes étaient donc basés sur l’activité physique, à laquelle se greffaient de moins nombreuses mais très signifiantes rencontres, de nature nettement plus spirituelles, parmi lesquelles la messe du dimanche n’était certes pas la moindre.
Hormis l’aspect religieux, le Patro ne différait pas beaucoup de tous les autres centres de loisirs pour jeunes. À l’intérieur, un gymnase relativement spacieux permettait la pratique de différents types de sport d‘équipe comme le gouret de salon ou si vous préférez la saucisse, sorte de ringuette de gymnase, le ballon-volant ou encore, le plus populaire et apprécié de tous, le basket-ball. À l’extérieur, deux terrains de baseball, raboteux et rocailleux à souhait, nous permettaient tout de même de pratiquer les sports de balle. L’hiver, deux patinoires y prenaient le relais pour d’endiablées parties de hockey. Finalement, luxe suprême, de l’autre côté de la bâtisse, une rafraîchissante piscine nous aidait à faire face aux canicules qui survenaient presque toujours en août, à cette époque.
Le calendrier sportif était divisé en quatre temps : le base-ball et la balle molle l’été, le basket-ball le printemps et l’automne, tandis que l’hiver était consacré à notre sport national. Pour chaque activité, on formait un certain nombre d’équipes, via un repêchage, qui s’affrontaient selon un calendrier préétabli. On tenait évidemment un classement général de celles-ci ainsi qu’un autre des compteurs. Tout cela culminait, comme chez les professionnels par des séries éliminatoires. Au-dessus de tout cela, trônaient ce que l’on appelait des équipes ‘’inter’’. Elles étaient formées des meilleurs éléments de tout le groupe et étaient appelées à affronter, lors de tournois provinciaux ou encore de matchs hors-concours, des équipes de l’extérieur, essentiellement d’autres centres de loisirs municipaux ou encore d’écoles ou de collèges privés; y participer était un privilège autant qu’une récompense étant donné les voyages que cela impliquait, le plus souvent dans la région de Québec.
Pour se synchroniser avec les normes provinciales de catégories d’âge des participants, le Patro séparait les jeunes en trois sections: les pré-ados, les ados et les jeunes gens. La première regroupait toutes les catégories, de moustique à pee-wee, la deuxième les bantams et les midgets, et la troisième, toutes les catégories supérieures. Chaque groupe avait ses propres salles, toutes munies de tables de pool et de baby-foot, les pré-ados et les ados au rez-de-chaussée, les jeunes gens au premier étage. Chez ces derniers cependant, j’avais noté la présence d’une table de pool beaucoup plus grande que la normale. J’ai appris par la suite que c‘était une table de snooker, jeu dont les règles m’ont toujours semblé extrêmement compliquées et dont je n’ai toujours pas la moindre idée du déroulement logique. Il n’y avait que peu de communication et encore moins d’échanges entre les sections, chacun considérant les autres comme beaucoup trop jeunes ou trop vieux. À cette période de la vie, un an ou deux est un laps de temps extrêmement long, où les nombreux changements, autant physiques que psychologiques représentent souvent un abysse infranchissable. Ce clivage était perceptible à l’intérieur même du groupe des ados, par exemple, où coexistaient deux catégories, bantam et midget, qui avaient chacune ses équipes, son championnat.
Une seule année, ma première à titre de bantam, cette règle n’a pas été suivie. Ce fut le chaos. Un hiver, n’ayant pas assez de participants pour organiser deux ligues, la direction décida de ne constituer que quatre équipes et jumeler, à l’intérieur de celles-ci, les deux catégories. Chaque équipe de hockey était donc formée d’un nombre à peu près égal de joueurs de chaque niveau, le temps de glace devant être partagé de façon équitable : la moitié du temps ce serait les bantams contre les bantams, et l’autre moitié, les midgets contre les midgets. Mais personne ne chronométrait les parties ! Les plus vieux en vinrent tout naturellement à monopoliser indûment la patinoire pendant que nous nous les gelions sur le bord de la bande (il n’y avait aucun abri digne de ce nom pour nous protéger un tant soit peu du froid). Ce qui entraîna de viriles discussions qui faillirent plus d’une fois dégénérer en batailles générales. Dois-je rappeler que tout cela se déroulait au sein de la même équipe ?
En voyant cela, j’eus une idée ! Pourquoi ne pas m’improviser gardien de but ? Je pourrais peut-être ainsi m’exempter de tous ces hargneux palabres. D’autant plus que sur notre équipe, j’avais noté une certaine faiblesse à ce niveau. Aussitôt dit, aussitôt fait. C’est même avec un certain soulagement que le gardien attitré de l’équipe me remit son équipement de cerbère. Il faut dire que nous n’avions pas une très bonne équipe et qu’il se faisait régulièrement bombarder. Cela ne me faisait pas peur et tout compte fait, malgré mon manque d’expérience, je n’avais rien à perdre ; sauf des parties. Ce que je fis allègrement, surtout au début, m’attirant régulièrement les foudres de mes coéquipiers. Mais plus la saison avançait, plus je prenais de l’assurance. Vers la fin j’étais devenu un gardien de but à tout le moins respectable. Tellement que durant toutes les années subséquentes, j’ai souvent alterné entre garder les buts et jouer à l’avant. Il semble bien que mes nombreuses années de hockey balle dans la cour d’école aient finalement servi à quelque chose…
Hormis l’aspect religieux, le Patro ne différait pas beaucoup de tous les autres centres de loisirs pour jeunes. À l’intérieur, un gymnase relativement spacieux permettait la pratique de différents types de sport d‘équipe comme le gouret de salon ou si vous préférez la saucisse, sorte de ringuette de gymnase, le ballon-volant ou encore, le plus populaire et apprécié de tous, le basket-ball. À l’extérieur, deux terrains de baseball, raboteux et rocailleux à souhait, nous permettaient tout de même de pratiquer les sports de balle. L’hiver, deux patinoires y prenaient le relais pour d’endiablées parties de hockey. Finalement, luxe suprême, de l’autre côté de la bâtisse, une rafraîchissante piscine nous aidait à faire face aux canicules qui survenaient presque toujours en août, à cette époque.
Le calendrier sportif était divisé en quatre temps : le base-ball et la balle molle l’été, le basket-ball le printemps et l’automne, tandis que l’hiver était consacré à notre sport national. Pour chaque activité, on formait un certain nombre d’équipes, via un repêchage, qui s’affrontaient selon un calendrier préétabli. On tenait évidemment un classement général de celles-ci ainsi qu’un autre des compteurs. Tout cela culminait, comme chez les professionnels par des séries éliminatoires. Au-dessus de tout cela, trônaient ce que l’on appelait des équipes ‘’inter’’. Elles étaient formées des meilleurs éléments de tout le groupe et étaient appelées à affronter, lors de tournois provinciaux ou encore de matchs hors-concours, des équipes de l’extérieur, essentiellement d’autres centres de loisirs municipaux ou encore d’écoles ou de collèges privés; y participer était un privilège autant qu’une récompense étant donné les voyages que cela impliquait, le plus souvent dans la région de Québec.
Pour se synchroniser avec les normes provinciales de catégories d’âge des participants, le Patro séparait les jeunes en trois sections: les pré-ados, les ados et les jeunes gens. La première regroupait toutes les catégories, de moustique à pee-wee, la deuxième les bantams et les midgets, et la troisième, toutes les catégories supérieures. Chaque groupe avait ses propres salles, toutes munies de tables de pool et de baby-foot, les pré-ados et les ados au rez-de-chaussée, les jeunes gens au premier étage. Chez ces derniers cependant, j’avais noté la présence d’une table de pool beaucoup plus grande que la normale. J’ai appris par la suite que c‘était une table de snooker, jeu dont les règles m’ont toujours semblé extrêmement compliquées et dont je n’ai toujours pas la moindre idée du déroulement logique. Il n’y avait que peu de communication et encore moins d’échanges entre les sections, chacun considérant les autres comme beaucoup trop jeunes ou trop vieux. À cette période de la vie, un an ou deux est un laps de temps extrêmement long, où les nombreux changements, autant physiques que psychologiques représentent souvent un abysse infranchissable. Ce clivage était perceptible à l’intérieur même du groupe des ados, par exemple, où coexistaient deux catégories, bantam et midget, qui avaient chacune ses équipes, son championnat.
Une seule année, ma première à titre de bantam, cette règle n’a pas été suivie. Ce fut le chaos. Un hiver, n’ayant pas assez de participants pour organiser deux ligues, la direction décida de ne constituer que quatre équipes et jumeler, à l’intérieur de celles-ci, les deux catégories. Chaque équipe de hockey était donc formée d’un nombre à peu près égal de joueurs de chaque niveau, le temps de glace devant être partagé de façon équitable : la moitié du temps ce serait les bantams contre les bantams, et l’autre moitié, les midgets contre les midgets. Mais personne ne chronométrait les parties ! Les plus vieux en vinrent tout naturellement à monopoliser indûment la patinoire pendant que nous nous les gelions sur le bord de la bande (il n’y avait aucun abri digne de ce nom pour nous protéger un tant soit peu du froid). Ce qui entraîna de viriles discussions qui faillirent plus d’une fois dégénérer en batailles générales. Dois-je rappeler que tout cela se déroulait au sein de la même équipe ?
En voyant cela, j’eus une idée ! Pourquoi ne pas m’improviser gardien de but ? Je pourrais peut-être ainsi m’exempter de tous ces hargneux palabres. D’autant plus que sur notre équipe, j’avais noté une certaine faiblesse à ce niveau. Aussitôt dit, aussitôt fait. C’est même avec un certain soulagement que le gardien attitré de l’équipe me remit son équipement de cerbère. Il faut dire que nous n’avions pas une très bonne équipe et qu’il se faisait régulièrement bombarder. Cela ne me faisait pas peur et tout compte fait, malgré mon manque d’expérience, je n’avais rien à perdre ; sauf des parties. Ce que je fis allègrement, surtout au début, m’attirant régulièrement les foudres de mes coéquipiers. Mais plus la saison avançait, plus je prenais de l’assurance. Vers la fin j’étais devenu un gardien de but à tout le moins respectable. Tellement que durant toutes les années subséquentes, j’ai souvent alterné entre garder les buts et jouer à l’avant. Il semble bien que mes nombreuses années de hockey balle dans la cour d’école aient finalement servi à quelque chose…
Si vous désirez de plus amples informations:
– rejoignez la page Facebook du groupe des anciens du Patro Le Prévost
– ou bien, consultez le site du Patro Villeray qui a pris la suite,
– rien ne vous empêche également, d’ajouter vos propres commentaires et souvenirs ci-dessous.
Références et sources
© SHP et Pierre Prévost, 2021.
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Merci Monsieur Prévost pour cet article, fort intéressant et agréable à lire.
Serait-il possible d’indiquer sous les photos, la provenance de celles-ci.
Elle peut venir de vos photo personnelles, d’un journal ou d’un musée…
Merci de votre compréhension.
Une très belle contribution à l’histoire du Mile-End. J’ai hâte d’en lire d’autres. M. Prévost a un bon talent d’écrivain.
Merci Pierre!
Très intéressant et bien rédigé!
Ça me rappelle de très bon souvenir.
Très généreux de ta part de partager une partie de l’histoire du Mile End!
André
Merci pour votre article sur le Patro Le Prevost d’autrefois sur la rue Saint-Dominique.
Étant donné que vous écrivez dans le cadre d’une société historique, permettez-moi de préciser que le Patro a été fondé et animé par les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul, frères et prêtres travaillant ensemble. Il ne s’agissait donc pas « d’obscures congrégations religieuses ».
Lors de l’incendie qui a ravagé le Patro en 1977, le Patro a déménagé sur la rue Christophe-Colomb où il se trouve toujours.
Vous avez parfaitement raison, M. Couture.
Je me souviens maintenant que ce sont effectivement les Religieux de Saint-Vincent-de-Paul qui animaient le Patro.
Et donc nous avons effectué la rectification dans le texte.
Merci pour cette mise au point.
Bonjour M. Prévost! Merci pour votre réponse. J’ai vu la correction dans votre texte cependant, on a écrit la Société de St-Vincent-de-Paul, ce n’est pas le nom exact. Cet organisme existe bien mais est composé exclusivement de laïcs qui s’engagent dans différentes oeuvres de charité à travers le monde. Le vrai nom de la congrégation est: Religieux de St-Vincent-de-Paul. Je viens de lire avec intérêt votre deuxième article. Bonne continuation!
J’ai une photo du frère Roger Gobeil mais je ne sais pas comment la partager ici…
J’ai plein d’autres archives et photos concernant le vieux Patro Le Prévost.
Merci beaucoup Monsieur Bilodeau pour votre commentaire très important. C’est exactement, le pourquoi de ce blogue que l’on a dénommé « La petite histoire du Plateau« .
Vos photos pourront être installées sans difficulté, soit dans la texte de Pierre pour imager certains passages, soit intégrées avec un de vos commentaires.
Vous pouvez toujours me joindre via cette adresse courriel admin@histoireplateau.org
Par ailleurs je vais vous adresser un message particulier pour vous transmettre l’adresse courriel de Pierre.
Bonjour Pierre,
J’ai bien apprécié ta façon d’écrire. Elle nous ramène dans les bons vieux souvenirs de notre jeunesse.
J’aime beaucoup ta façon humoristique de raconter et de décrire tes petits côtés rebelles, ils m’ont bien fait sourit.
Un talent d’écrivain que je ne connaissais pas de toi 🙂
Félicitation pour ce beau travail
Amicalement Nicole xxx
Salut Pierre!
Que de souvenirs de mon enfance avec mes frères.
Quand j’ai vu la patinoire encore que de souvenirs, le frère Gobeil nous disait « Allez-y », sinon on ne jouait pas.
Merci pour ces beaux souvenirs.
Merci de votre commentaire.
Nous reviendrons sur le frère Gobeil dans un des prochains articles.
Merci !!!!
Sans oublier le frère Villeneuve !
Nous en parlerons dans le prochain article !