Quintuplex sur Papineau
Tante Simone (numéro un de la fratrie) se marie en 1940 avec Roger et s’installe au troisième, le 5156 Papineau. Ma mère Fernande (numéro deux) épouse Germain en 1943 et loge en dessous, au 5154. J’y suis née, mais ma mémoire n’a rien retenu de cette période.
Après la naissance de mon frère en 1950, ma famille déménage à Ahuntsic, dans le triplex de ma grand-mère, au deuxième étage tandis que tante Yvette (numéro cinq) et René logent au rez-de-chaussée. Mais laissons cette période pour l’histoire d’un autre quartier.
Quatre ans plus tard, ma mère s’ennuyant au nord de la ville, désire revenir sur la rue Papineau. J’ai huit ans. Et la chaise musicale commence; suivez-moi bien. Nous prenons le 5156, l’appartement de tante Simone qui s’en va plus au sud près de Mont-Royal. Ses enfants ayant quitté le nid, grand-maman monte à côté de nous, au 5158. Oncle Jean-Guy (numéro neuf) et Claire de même que Léo (numéro huit) et Jeannine s’emparent respectivement du 5154 et du 5160, au deuxième étage.
Une famille de Français loue le logement du rez-de-chaussée. L’invasion du plateau par nos cousins outre-Atlantique est commencée. Nous les fréquentons peu, car à l’instar des Québécois de l’époque, ils nous impressionnent avec leur culture et leur « beau parler ». Heureusement, aujourd’hui, nous avons perdu nos complexes vis-à-vis cette charmante parenté.
La vie communautaire va bon train. Ma mère travaille et je suis souvent rendue chez grand-maman à côté. L’hiver, je n’ai même pas à sortir parce qu’un escalier intérieur mène au troisième. Je garde les enfants de tante Claire quelques heures pour lui permettre d’effectuer ses courses. L’été, je surveille les filles de tante Jeannine dans le carré de sable de la cour. On s’emprunte du sucre, de la farine ou des denrées variées. Oncle Jean-Guy, en dessous de nous, vient gentiment nous demander de calmer nos ardeurs lorsque je saute trop avec mon frère dans le salon.
Le dimanche, débarquent chez mon aïeule d’autres membres de la fratrie incluant oncle Eudore (numéro trois) et Denise de même qu’oncle Roland (numéro six) et Gertrude avec leur progéniture. Quelquefois, on se retrouve à plusieurs pour un repas improvisé dans le quartier chinois ou une escapade à la campagne ou au parc Belmont.
Avec les mariages et les naissances, la famille s’agrandit et il devient difficile de fêter Noël dans le petit logement de grand-maman. On instaure la tradition d’aller souper au Ty-Coq Barbecue, sur la rue Mont-Royal, le soir du 25 décembre, dans une salle au deuxième étage. Toutes mes tantes et mes oncles participent, il en manque rarement, sauf oncle Jean-Maurice (numéro quatre), entré dans une communauté religieuse très jeune. À la fin de la quarantaine, il en sort, se marie et un fils naît de cette union. La famille seconde toujours ses choix. Plus tard, lorsque frères et sœurs commencent à s’acheter des maisons, ils se reçoivent à tour de rôle.
Puis un jour, coup de théâtre ! Oncle Raymond (numéro sept) sans prévenir personne, pose ses valises chez grand-maman. Vétéran de la Deuxième Guerre, il vient de démissionner de l’armée et reprend la vie civile. Malheureusement, c’est un homme brisé et traumatisé. La famille s’occupera de lui jusqu’à sa fin pitoyable.
Tous se respectent dans le quintuplex et jamais de disputes ou de visites non annoncées. Je me rappelle la ligne téléphonique en duo de l’appartement parce que plus économique. Évidemment pour nous, quand l’autre abonné monopolise l’appareil, c’est plus rapide d’aller sonner à la porte de nos voisins.
Je séjourne dans cette maison dynamique et chaleureuse de l’enfance à l’adolescence, des jeux puérils jusqu’au premier baiser. J’y connais une vie de famille à son meilleur et encore aujourd’hui, elle me nourrit.
Très bientôt, je vous reviens avec un récit relatant mes « Souvenirs avec grand-maman » pendant ces années de voisinage.
Note : Un sincère merci à ma cousine Lise qui m’a aidée à préciser mes souvenirs.
© SHP et Michèle Olivier, 2023
Photos Michèle Olivier.
Index des capsules de mémoire de Michèle Olivier
Sur Mont Royal, près de Papineau, il y avait la boutique de Tony Pappas cordonnier et tout pour les pieds, nous sommes en 1958.
Au sud de Laurier, il y avait le théâtre « Bijou », spécialisés dans les films français. Dès fois le dimanche soir, un spectacle de Billy Munroe et la chanteuse Monique Leyrac.
En descendant Papineau près de la rue Mont-Royal, il y avait les théâtres Papineau et Dominion. Le dimanche pour 0.60 sous on pouvait voir 3 films avec sa blonde : le bonheur.
On faisait « shiner » ses souliers le samedi soir, avant de sortir environ 0.30 sous et un léger pourboire. Il y avait tout à côté, le magasin pour femmes « The Robe », c’était d’un chic.
Et pas très loin il y avait « Roland Gagné Meubles » au 5100 rue Papineau. Connu pour être l’homme qui achète vos vieux meubles, argent comptant et vous vend des neufs à crédit si désiré.
Ses magasins couvraient une vaste étendue presque de Marquette à Papineau, le 1695 Laurier, son entrepôt faisait face au 5256 Papineau
Les meubles usagés étaient aussi à vendre, là où la rue Laurier finissait.
Roland Gagné possédait une Cadillac de l’année. Tous les samedis midis, j’allais au « Carwash » sur la rue Saint-Grégoire, faire laver son auto, quel plaisir de conduire sa Cadillac
Toujours un plaisir de lire des histoires de famille, un petit bémol sr les noms de famille. Ce serait le fun de le savoir pour ceux qui ont vécu dans le Plateau à cette époque ou après ?
Merci de me lire M. Boismenu. Je n’ai pas mis les noms de famille par respect pour mes cousins et cousines. Désolée!
M. Olivier
Comme j’aime lire des souvenirs de ma famille que je n’ai pas connue !
Encore bravo pour tes écrits tu as tellement de talent Maman !
Excellent récit, pétillant et rempli de petits détails chaleureux.
Les dix enfants sont bien répertoriés dans l’article, faites moi confiance je les ai comptés. 🙂
Quelle belle reconstitution d’une grande famille autour de grand-mère Florida, cela me renvoie à celle de ma propre grand-mère italienne Anna-Thomasina, veuve également à 31 ans dans sa grande maison de La Seyne-sur-mer entourée elle aussi de ses enfants petits enfants etc.
Cela se passait à La Seyne-sur mer entre les années 20 et 60
Bonjour.
C’est avec joie que je prends le relai pour confirmer, la grande maison unique, devenue le fief de notre famille. Toutes générations confondues au fil des années qui passaient, c’étaient le matriarcat bien implanté pour ces femmes encore jeunes autour de la mama devenue veuve subitement. Elles faisaient face en réunissant leurs familles sous un seul et même toit.
Que de beaux souvenirs de partagés de grandes tablées pour les occasions, les enfants qui trouvaient refuge sous la grande table et la nappe qui recouvrait tout¹ce petit monde.
Nous étions chez nous et nous racontons des histoires à se faire peur… on adorait ça aussi.
Tant de beaux souvenirs se bousculent… Moments d’antan moments magiques… Autre vie que nous avons eu la chance de connaitre.
Remerciements à ceux qui ont lancé cette belle histoire.
sous la grande nappe
Merci Madame,
La preuve que le thème de « la famille » est universel et se présente sous de multiples variations.
Cordialement,